Paul Berthelot (1863-1933) est un journaliste et critique d’art respecté, connu de la bonne société bordelaise. Pendant presque cinquante ans, il travaille au quotidien « la Petite Gironde ». En 1898, il fonde la revue « Tourny-Noël », qui sera publiée jusqu’en 1932. « Dans cet almanach, il y avait de formidables contributeurs : son ami Sem pour les caricatures, Anatole France et Francis Jammes pour la plume ; Toulouse-Lautrec et Sonneville livrent des dessins ; Picasso en donnera un aussi » raconte Laurence.
En 1897, il fonde la « Société d’Art Moderne de Bordeaux », témoignage de son appétence – mesurée – pour l’art avant-garde de l’époque. Quand il entreprend, en 1908, la rénovation de son domicile, il fait intervenir ses amis artistes aux vues modernes. Son souhait : transformer les décors pour faire la part belle à l’Art nouveau et aux arts décoratifs.
Né en 1880, l’Art nouveau est une ode à la nature. On le reconnait à ses lignes et formes ondulées qui animent extérieur et intérieur. Portails, vitraux, mobilier, affiches, sculptures… Ce style naturaliste se retrouve aussi bien dans l’architecture que dans les métiers d’art. Il se veut être une création harmonieuse et fonctionnaliste entre l’art et l’artisanat. Son inspiration ? Un répertoire végétal et animal tel des paons, des oiseaux, des arbres, des fleurs…
Durant la visite, Laurence rappelle les grands maîtres de l’Art nouveau : Victor Horta et l’Hôtel Solvay à Bruxelles ; les bouches de métro d’Hector Guimard à Paris – qu’on appelle le style Guimard ou le style métro ; sans oublier Gaudí et sa Casa Batlló… Ce courant artistique dure environ trente ans.
Les vitraux civils sont des éléments majeurs de la maison Berthelot. Une occasion, en compagnie de la conférencière, d’élargir nos connaissances sur l’évolution du travail du vitrail.
À l’entrée, voici un vitrail artisanal réalisé avec un montage en plomb de verre de couleur. Puis, Laurence nous guide de vitraux en vitraux, modernes et fleuris cette fois-ci. « Ces vitraux aux motifs naturalistes sont signés du maître verrier Léon Delmas. Ce sont des verres américains, fabriqués avec les nouvelles techniques industrielles de l’époque. La qualité est exceptionnelle » commente-t-elle.
Le verre est façonné pour en atténuer la transparence et créer par endroit des effets « opalescent et iridescent ». Selon le résultat, l’aspect de la surface du verre devient « chagriné, chenillé, crocodilé, drapé, fripé… » poursuit notre guide. L’aspect de la couleur quant à lui sera « irisé, marbré, huilé, jaspé… ».
La sélection de teintes douces et chaleureuses met en valeur les motifs représentés. Ceux-ci sont stratégiquement placés pour que le vitrail fasse pénétrer plus de lumière. On appelle d’ailleurs « écran » ce décor placé sur la partie inférieure du vitrail, pour être à l’abri des regards.
Au fil de la visite, Laurence invite à apprécier ces décors qui se voisinent et se distinguent. Dans la pièce de réception, au traditionnel vocabulaire Louis XVI, quatre médaillons ornent le plafond. Ici, les verres à facettes et miroirs glaces créent des jeux de reflets et de lumière. Inoubliable !
Pour le couloir d’entrée, le peintre Félix Carme a choisi des fleurs pour représenter ses « Quatre Saisons ». À quelle saison est dédiée la rose trémière ? À vous de deviner lors de votre visite. La peinture monumentale d’Émile Brunet, ami de Berthelot, décore, quant à elle, la cage d’escalier. Un groupe de femmes se baignent près des pins. Un paysage du Bassin d’Arcachon bien connu de l’artiste.
Côté jardin, citrons, roseaux et plantes rythment la façade. Des jardinières en bois et céramique ornent le premier niveau. Même la structure en fonte est un clin d’œil aux motifs naturalistes de l’Art nouveau.
Le salon chinois dévoile les choix plus originaux de Berthelot. En voyage à Hanoï pendant presque un an, l’esthète en rapporta des objets pour décorer son fumoir. Remarquez les dragons, les éléments nacrés et le zodiac chinois qui encerclent le miroir et la cheminée.
La visite guidée permet d’apprécier la beauté de la maison tout en aiguisant son regard sur les arts décoratifs. En partant de l’histoire d’un amoureux des arts, Laurence met en lumière les liens entre ces personnalités résonnant avec l’effervescence créative de l’époque.
Elle évoque aussi l’amitié entre Berthelot et Gustave Gounouilhou, un imprimeur périgourdin. Ce dernier s’installa à Bordeaux à l’aube de la presse écrite pour éditer le journal : « La Gironde ». « On voit se mettre en marche la presse. Et parce que ça ne marchera pas fort, il décide d’éditer une feuille de chou qui s’appellera « la Petite Gironde ». Gounouilhou et Berthelot sont les deux âmes du journal » confit Laurence.
Si la visite de la Maison Berthelot n'est malheureusement pas proposée en ce moment, vous pouvez régulièrement découvrir les magnifiques coulisses de l'hôtel Frugès ou plonger dans l'histoire de l'Hôtel Saint-François. Retrouvez également toute l'offre des visites guidées sur demande proposées par Bordeaux Tourisme.