Au Musée de l'Histoire Maritime de Bordeaux, une expédition se prépare. Après avoir rêvé devant les miniatures de cotres (un mât), bricks (deux mâts) et frégates, il faut parler sérieusement. Le petit groupe est divisé en trois équipages pour se préparer à partir « en course ». C'est d'ailleurs de là que vient le nom des « corsaires ».
« Rien à voir avec les pirates qui pillent pour leur compte personnel, les corsaires sont mandatés par le Roi pour combattre sur les mers les ennemis de la France... et leur piquer leurs marchandises » souligne Catherine Bord.
« C'est l'amirauté qui donne l'autorisation de partir à la course par une lettre de marque. » Après un affrontement de pierre-feuille-ciseau, la première équipe est parvenue à désigner son capitaine. Les autres parlementent. Finalement ce sera à Inès, Oscar et Pablo de mener leur bateau.
« J'aime ce moment où les enfants basculent dans l'imaginaire, ils sont à fond dedans, ça marche d'autant mieux que leurs parents ne restent pas assister à la visite. »
Partir en course, ça ne se fait pas en un clin d'œil, il faut d'abord équiper le bateau. « Tiens, et qu'est-ce qu'on mange à bord ? » interroge Catherine Bord. Devant leurs petits livrets jeux, les enfants n'en mènent pas large.
« Est-ce qu'ils mangeaient des yaourts à l'époque ? Des poulets vivants ? C’est impensable sur un bateau ! » S’interroge Pablo. Il faut également des outils pour se repérer en mer. Des membres d'équipages partent en quête du sextant et de la boussole cachés dans les vitrines du musée.
« La visite n'est pas que ludique, souligne la guide conférencière, c'est l'occasion de transmettre nos connaissances, d'apprendre à regarder les choses. »
Après avoir établi le tracé, les bateaux prennent le large. C'est leur jour de chance, ils se lancent dans l'abordage d'un navire cossu. La scène est déjà immortalisée sur l'un des tableaux du musée.
À bord, ils trouvent des épices qu'ils s'amuseront à deviner à l'occasion d'un petit jeu olfactif, ainsi que des tas de pièces d'or, « mais ceux qui ont perdu une jambe, un œil ou un bras gagnent moins que les autres » détaille Catherine Bord.
Aïe aïe, les petits capitaines crochets se mordent les doigts de leur main restante en voyant leur maigre pécule. Tant pis, c'est plus rigolo d'avoir un crochet. Après un long périple garni de racontards, de sons et d'odeurs, les corsaires sont récompensés : le mousse a trouvé un coffret garni de douceurs. Ça tombe bien, c'est l'heure du goûter.
La plupart des petits corsaires sont rentrés au port. Catherine Bord, elle, est encore un peu sur sa frégate. « Il suffit que je regarde le contenu des vitrines pour que mon imaginaire se mette à galoper » raconte la guide qui construit ses visites « en gardant l'excitation des enfants ».
C'est le leitmotiv de l'association Histoire de voir qu'elle a créée en 2008 avec Catherine Goniak, également guide conférencière à l'Office de Tourisme. Elles proposent aussi aux 7 à 12 ans, des visites du musée des douanes, du Grand Théâtre, et du musée du musée du vin et du négoce bordelais.
Au Musée de l'histoire Maritime de Bordeaux, Virgile, 11 ans et sa sœur Déva, 9 ans, sont contents, même s'ils ne sont pas ressortis indemnes de leur périple. L'un a perdu la main, l'autre un œil.
Pas de quoi tracasser leur mamie qui a eu le nez creux : Son petit-fils a justement un devoir à écrire pour l'école, « faire comme s'il était mousse ! ». Trop facile après un aprèm pareil.
Virgile a même choisi son bateau, « un trois-mâts goélette » et regarde scrupuleusement les sabres et les pistolets contenus dans les vitrines. Ils se retrouveront certainement au cœur de sa prochaine aventure.
L'association a aussi édité deux livrets qui portent bien leur nom : « Bordeaux pour les enfants » pour visiter la ville en famille.
« Dans l'un on part à la chasse à la grimace pour observer les têtes sculptées des mascarons. Dans le second, on visite un zoo silencieux en découvrant le centre historique à travers le bestiaire figurant sur les façades avec à chaque fois des charades, des devinettes, des petits jeux » détaille Catherine Bord qui a tenu à proposer une offre accessible aux familles en vendant les petits livrets cinq euros.
Ils permettent de visiter gratuitement, pour quatre personnes, la porte Cailhau ou la Grosse Cloche. En 2018, les deux ouvrages ont été récompensés du prix spécial par l'Académie nationale des Sciences, Arts et Belles Lettres de Bordeaux. « L'Académie a été fondée en 1712 par lettre patente du Roi, Montesquieu en a été l'un des premiers membres » précise Catherine Bord, jamais à court d'anecdotes historiques.