Une soirée détonante… où tout peut arriver !
Quartier Victoire, mercredi, 20h30 : nous voici assis en tailleur dans le bar atypique « Lectures Aléatoires ». Autour de nous, une soixantaine de spectateurs, déjà pliés de rire.
L’arbitre entre sur scène, sous les huées générales (« un code », m’explique un initié), puis vient le tour de 8 membres de la troupe. Il s’agira d’opposer l’équipe blanche et l’équipe jaune, dans un match d’impro’ absolument hilarant.
Pendant 3 sessions de 30 minutes, les impro’ « mixtes » et « comparées » s’enchaînent, autour de thèmes imposés : « à la manière de Black Mirror », « mangeurs de temps », etc. Chaque équipe n’a que 20 secondes pour se concerter autour d’un scénario.
Ce soir, l’équipe blanche gagnera. Mais pas de regards en biais, au contraire de franches accolades : ils font partie de la même ligue (arbitres compris !), et sont une trentaine au total à s’affronter en toute convivialité jusqu’à la finale.
Une mise en danger jouissive
Victorien, président de l’association, ainsi que Cécile et Céline, viennent à notre rencontre au terme du show, pour m’en dire plus sur cette activité atypique. « On dit qu’on est un peu les casse-cous du théâtre », ironise-t-il.
Entre les ateliers hebdomadaires et les scènes régulières, la complicité s’installe vite entre eux, explique Cécile : « C’est une discipline risquée qui crée des liens forts entre improvisateurs. On laisse beaucoup de choses au vestiaire, comme l’égo. Ça porte loin les valeurs humaines.» Car pour improviser à plusieurs, il est essentiel de s’écouter et s’observer, sinon c’est la plantade assurée ! « Ce qu’on veut, c’est faire le show, pas faire son propre show. Le but est d’offrir des histoires cohérentes aux spectateurs. »
Quand l’idée de ne pas savoir ce que l’on va dire à 1 minute de monter sur scène peut paraître très angoissante pour nous, elle est une adrénaline pour eux. « C’est ça qui me plaît, inventer une histoire à plusieurs, et faire de chaque impro’ un spectacle différent » réplique Céline, les yeux pétillants.
Aux origines…
Mais d’où vient cette idée de disputer un match avec des mots ? La réponse était sous nos yeux : du Québec et du Hockey-sur-glace. « Vous n’aviez pas fait gaffe aux maillots ? » sourit Victorien. Le premier match d’improvisation s’est tenu en 1977 outre-Atlantique. Initié par des amoureux du théâtre, quelque peu frustrés de voir les gradins de patinoire remplis pour le hockey, quand les planches attiraient moins : ils ont alors mixé les deux, en gardant les codes du hockey.
Ainsi ce soir, les membres de la ligue étaient vêtus tels des hockeyeurs, les arbitres tiraient au sort l’ordre de jeu via un palet lancé en l’air, et les 3 sessions correspondent aux manches de ce sport.
En France, il faudra attendre les années 2000 pour voir la discipline se démocratiser. « En 2005, il n’y avait qu’une ligue d’impro’ à Bordeaux. En 2017 on est une vingtaine ! »
Un excellent moment pour un petit prix (5 euros la soirée, 1 conso comprise). Et la garantie de rire, trembler, rencontrer du monde : c’est ça, la culture pour tous à Bordeaux !