« Quand j'ai visité ce château pour la première fois, c'était pour un promoteur qui voulait en faire une maison de retraite. Maintenant, c'est la maison pour ma retraite. »
Le verbe posé, l'esprit curieux, Gérard Leconte a le profil du passionné d'histoire. Pas forcément celui du rénovateur de châteaux : « A l'époque, je connaissais des amis qui avaient passé leur vie à rénover un château. Il n'était pas question que je fasse comme eux. » On est en 1988 et il s'embarque dans ce qu'il ne voulait pas. On peut aussi changer d'avis.
Sallegourde est alors une ruine colonisée par le lierre, les arbres qui poussent dans les escaliers et les jeunes du quartier qui viennent taguer les murs. Deux ans plus tard, son épouse et lui posent leurs valises pour y habiter. Tout n'est alors pas terminé mais la demeure est viable : « Je dis souvent aux gens qui veulent rénover un bâtiment alors qu'ils n'en ont pas les moyens de faire par tranche. » En tant qu'architecte, il a quand même un net avantage conceptuel sur les autres.
Ce qu'il reste du Moyen-âge
Il n'empêche : pendant 20 ans, il a fallu tout rénover et refaire les décors, du moins ceux qui étaient encore visibles mais « j'ai gardé l'essentiel de ce qui était visible. » Un salon somptueux, plafonné à la française et des pièces au parquet majestueux, un escalier imposant et mille petits détails dans les murs, y compris quelques restes de ce que fut le château médiéval : deux meurtrières, quelques pierres et une échauguette.
C'est peu mais Sallegourde est avant tout du 16e siècle. Et c'est déjà mieux que ce qu'il reste des 100 ha de l'ancienne « Forêt Royale » qui l'entourait, même si 10 ha, qui n'appartiennent plus au château, demeurent encore en bordure d'A62.
Les portes sont ouvertes
Mais même si Sallegourde est assiégé par la modernité pavillonnaire, pas question pour Gérard Leconte d'en fermer l'entrée : « Je considère que je ne suis pas propriétaire exclusif de ce patrimoine, aussi illustre et ancien soit-il. »
De fait, les portes sont largement ouvertes depuis 20 ans pour des expositions ou des spectacles. Il expose régulièrement de jeunes artistes et a également programmé « La Flûte enchantée » pour un « Opéra au château » déambulatoire, de pièce en pièce. Parce que « quand je vais dans le Médoc, je trouve toujours les portes fermées. Mais le patrimoine n'est pas une chapelle close. Sur les 17 châteaux de Villenave d'Ornon, on est le seul à faire visiter. C'est dommage. » Mais l'élégance discrète de Sallegourde compense bien cette solitude.