Nous voici au niveau du quai de Bourgogne, non loin du Pont de pierre. Les gabarres arrivent du Sud Gironde ou de l'Agenais, chargées de productions agricoles. Leurs mâts repliables facilitent leur passage sous les arches du pont.
À cette époque, les quais ont des rives en pente douce. Les gabarres, véritables “camions” du fleuve, assurent aussi la liaison avec les navires amarrés au milieu de la rade.
La charrette du premier plan transporte des “vimes”, des tiges d'osier utilisées pour attacher la vigne.
À Bordeaux, la terre et l'eau sont toujours liées !
Plus d'un siècle après, voici un tout autre visage des quais !
Les mâts des gabarres ont laissé place aux candélabres guidant le regard vers le fleuve et ses lumières changeantes.
À partir de 1999, la rénovation menée par le paysagiste-urbaniste Michel Corajoud (1937-2014) se déploie sur dix ans et sur l'ensemble des quais, soit 4,5 km !
De vastes promenades intègrent des zones de détente végétalisées baptisées « Le jardin des lumières ».
Sous un grand ciel, la vue s'échappe vers le Pont de pierre et l'église Saint-Michel.
Sur les quais, l'activité portuaire est en place : grues efflanquées, barriques alignées, cargo en partance… On devine l'entrée du vaste hangar construit en sous-sol pour ne pas gêner la perspective vers la Place de la Bourse (hors champ).
On aperçoit également les grilles installées en 1934 dans tous les ports de France, suite à l'assassinat du roi de Yougoslavie à Marseille.
Sur la route, des passants attendent le tramway que Jacques Chaban-Delmas désinstalle en 1958, le jugeant trop obsolète !
Pour mieux comprendre la vision avant-gardiste de ce maire emblématique de Bordeaux, on vous emmène visiter la ville dans les pas de Chaban-Delmas.
Au loin, le tramway a refait son apparition ! Le seul hangar souterrain des quais abrite la machinerie du miroir d’eau imaginé en 2000 par Michel Corajoud.
Une dalle de 3 500 m2 où une mince pellicule reflète l’architecture classique, qui magnifiait le port de Bordeaux au 18ᵉ siècle.
Depuis, les quais reçoivent des événements comme Bordeaux fête le Vin et ses grands voiliers. Le miroir d’eau est un des endroits les plus visités et les plus populaires.
Bordeaux Tourisme propose d'ailleurs une visite des sous-sols du miroir d'eau.
On les appelle aussi les « travailleurs flottants », qui assurent la manutention des marchandises en transit sur les quais.
À cette époque, en 1959, les espaces du fleuve restent des lieux de labeur ouvrier. Les dockers vont chercher le travail dans les bars ou les bureaux d'embauche, comme le bâtiment où se trouve aujourd'hui la maison écocitoyenne, quai de Bourgogne.
L'entraide et la solidarité les unissent, comme semble l'indiquer ce cliché du journal Sud-Ouest.
De l'eau a coulé sous le Pont de pierre depuis les Trente Glorieuses. Les dockers ont laissé place à d'autres mœurs, où les loisirs et le développement durable ont pris une importance inédite !
L'espace des quais a été réinventé dans cet esprit : promenades, espaces de rencontres… Les Bordelais ont redécouvert leur fleuve et les quais s'intègrent à une transformation globale de la ville, saluée en 2007 par le classement au patrimoine mondial de l'Unesco…
On vient en nombre visiter le Port de la Lune.
Ce cliché pris en 1991 au niveau du quai de Bacalan montre des espaces bien vides. Les rails au sol n’ont plus d’utilité, les hangars en béton des années 1920 n'abritent plus l'effervescence du port marchand qui a migré depuis 1986 vers Bassens.
Durant cette période, les Bordelais tournent le dos à leur fleuve et les quais sont une sorte de no man's land. Le jour, certains viennent quand même se balader. La nuit, les trafics illicites rendent l'endroit moins fréquentable.
Au début des années 2000, les hangars 15 à 19 sont réhabilités par l'architecte Claude Marty (le 20 est devenu Cap Sciences). Tout en conservant leur style portuaire d'origine, celui-ci les relie afin de créer des parkings sur les toits.
Les façades sont repeintes dans des tons ocre qui font écho aux couleurs de la Garonne ou à la pierre de Bordeaux. Les rails ont disparu pour laisser la place à une promenade urbaine.
Bord'eau Village regroupe des restaurants, des bars, des écoles supérieures… Un rayon de soleil et les terrasses sont prises d’assaut !
Pendant longtemps, on ne s'aventure pas de ce côté de la Garonne ! Au XIXe siècle, la rive droite est celle des faubourgs industriels, avec leurs berges sauvages.
Photographié en 1894, quai de Queyries, ce gamin en sabots songe-t-il aux horizons chimériques du poète bordelais Jean de la Ville de Mirmont, dont le fleuve et ses bateaux en partance ont nourri l'imaginaire ?
Au loin, les morutiers attendent le grand départ des campagnes de pêche à Terre-Neuve, au large du Canada.
Ici aussi, les ambiances ont bien changé depuis la rénovation des années 2000 !
On dit que la vue est plus belle de ce côté, car elle permet d'admirer la rive gauche, plus “noble”. Pourtant, c’est son caractère paysager qui donne à la rive droite sa singularité.
Lors de la rénovation des quais, l’architecte Dominique Perrault proposait d’emblée de donner la part belle au végétal. Suivront le jardin botanique de Catherine Mosbach puis le Parc aux Angéliques de Michel Desvigne et ses 6000 arbres plantés !
La rive droite est une respiration urbaine appréciée pour les pique-niques, les loisirs de plein air ou même le farniente !
Ce parcours a été réalisé avec la Mémoire de Bordeaux Métropole.
Merci à Geneviève Caillabet pour son aide précieuse !
La plupart des informations concernant les vues actuelles sont issues de l'ouvrage 40 ans d'urbanisme à Bordeaux, co-édité par l'Agence d'urbanisme Bordeaux Métropole (a'urba) Aquitaine et les éditions Le Festin.