« On arrive en bus et on est en Camargue. C'est vraiment un lieu très particulier. »
Gaël Barreau résume ainsi l'impression étrange que l'on ressent devant les marais de Montferrand que le médiateur naturaliste de Terre et Océan connaît bien. Comme une frange d'un désert verdoyant qui étend la vue à l'infini, borné par les arbres limitant ce qu'il reste des grands marais qui barraient autrefois la presqu’île d'Ambès et la rendaient difficilement accessible. Un confins désormais borné par des routes qui ont chamboulé ce fragile équilibre hydrographique. Et ce n'est pas nouveau : ce sont les Romains déjà qui ont commencé à dresser une barrière entre le marais et la Dordogne en construisant une route pour Saintes.
Il en reste un faux ami toponymique : le « chemin de la vie » qui borde le Petit Marais est la déformation de « la via » romana qui gît sous son asphalte contemporaine. Petit à petit, les hommes ont rogné cet espace naturel autrefois craint, le pompon revenant à Louis XIV qui accorda à tous ceux qui assécheraient des marais une exemption d'impôts sur les terres ainsi gagnées.
L'époque moderne n'a pas fait dans la finesse non plus en construisant une voie rapide qui balafre le paysage et laisse apparaître au loin les camions qui l'empruntent. De fait, la peau de chagrin des marais se résume maintenant à deux espaces séparés de champs asséchés, le Petit Marais (103 ha) et le Grand Marais (182 ha).
« Ici, c'est pas un parc public » précise abruptement Jean-Pierre Garcia, président des Amis du Marais de Montferrand. L'endroit est utilisé par l'homme comme il l'a été depuis des siècles. D'un côté les chasseurs qui ont installé une trentaine de tonnes[1], essentiellement pour le canard. Et de l'autre les agriculteurs qui laissent paître leurs troupeaux de vaches dans ce vaste espace borné de jalles[2]. Et des chevaux aussi, que l'on pourrait presque croire en liberté, accueilli que l'on est par les courses incontrôlées de l'étalon du groupe.
[1] Rien à voir avec l'unité de poids : ce sont des abris enterrés dans des zones humides où se cachent les chasseurs pour la chasse au gibier d'eau
[2] Nom générique des petits cours d'eau qui se jettent dans les deux grands fleuves du département. Rive droite, on les appelle les « esteys »