Une œuvre, un musée – Conifère, est-ce que j’ai une tête de conifère ?
Chaque mois, Un Air de Bordeaux s’arrête sur une œuvre. Les Musées de la ville nous ouvrent leurs portes et à travers les yeux d’un expert, vous découvrirez tous leurs secrets. Vous pensiez connaître nos musées comme votre poche ? Suivez-nous, vous serez surpris !
Au fond du Jardin Public, derrière le muséum de Bordeaux, un peu à l’abri des cancaneries et cacardements, nous vous invitons à découvrir au cœur du Jardin Botanique l’étrange allocasuarina. Ce jardin est membre de la grande famille des jardins botaniques français – un panneau bleu en atteste. Il est de ce fait un lieu entièrement dévolu à la préservation et la conservation des plantes, sans discrimination ni hiérarchisation.
par Henry Clemens
publié le 10 novembre 2022
modifié le 15 septembre 2023
Un jardin, 154 familles !
Bien entendu qu’on ne peut pas dissocier l’émergence de ce jardin ancien avec l’essor et les activités portuaires de Bordeaux. Il faut d’ailleurs rendre hommage, nous dit le botaniste Bastien Rollat, aux jardiniers qui engageaient ce long travail d’acclimatation aux nouvelles conditions à partir de graines rapportées de différentes contrées.
Tout le vivant est rangé, rappelle encore le jeune botaniste, par famille, genre et espèce à l’instar de l’homo-sapiens, et ce jardin rassemble pas moins de 154 familles de végétaux !
Carl von Linné fut le père de cette classification. « Ça fait donc à peine 300 ans que les végétaux sont vraiment étudiés, autant dire rien du tout à l’échelle des plantes. » rappelle en souriant le botaniste.
Sous la tutelle des jardins botaniques de France
Sans but lucratif, les jardins du réseau national mais également international échangent les graines. Les courses se font via un large catalogue dont la simple évocation fait briller les yeux de tous les botanistes. Les choix se feront en adéquation avec des règles édictées par le Jardin Botanique de Bordeaux, sous la tutelle de Laura Kassen, l’adjointe au Responsable de service « Technique et Scientifique » du Jardin Botanique. Ainsi un cahier des charges validera que la plante n’est ni trop énergivore, ni trop invasive et qu’elle est représentative de la diversité botanique au sein de sa famille.
Adolf Vengler un botaniste allemand aurait été le grand ordonnateur de ce jardin qui offre, faut-il le rappeler, plein de sens de visite ; par la thématique des plantes en fleurs, des plantes résistantes au sec, des plantes de dune, des plantes comestibles...
Un intrus qui prend ses aises
« Conifère, conifère, est-ce que j’ai une gueule de conifère ? ». Eh bien non, l’allocasuarina, de la famille des casuarinaceae, n’a pas d’aiguilles mais des phylloclades, à l’instar des cactus, des genêts ou encore des tamaris. Il fait partie des dicotylédones dont le fruit en forme de petit cône rappelle effectivement les conifères. Bastien qui a les yeux de Chimène pour l’allocasuarina, rappelle que sa singularité provient du fait que cet arbre d’Australie est le seul de sa famille dans ce jardin. Il s’est si bien acclimaté qu'on le retrouve désormais sur tout le pourtour méditerranéen.
Résilient et fait pour durer 2000 ans !
Admiratif, le botaniste revient sur la grande résilience de l'arbre qui résista à la foudre et au gel. « Il a étêté et a refait un méristème apical ! Selon moi, il peut vivre 2000 ans. On va le réduire pour qu’il n’ait pas de portance. » Nous ajouterons qu'il est sociable et de bonne composition puisqu’il vit en harmonie avec des plantes venues de trois continents : un camphrier, un avocatier, des houttuynias.
On se dit finalement que les problèmes environnementaux affecteront plus durement les bipèdes que nous sommes. En attendant, voyons de plus près à quoi ressemble un jardin extraordinaire… et dialoguons un peu avec les arbres et les oiseaux, peu farouches, du Jardin Botanique !
Place Bardineau
33000 Bordeaux
Tél. : 05 56 52 18 77
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