Boltanski souhaitait un lieu d’exposition qui ne soit pas muséal, une crypte, un espace atypique. Il a fallu attendre 2005 et une proposition de Maurice Fréchuret, alors directeur du CAPC, pour suggérer d’installer les réserves du musée "Boltanski" dans un espace très discret situé dans l’escalier hélicoïdal du musée. Pour Mémoire se situe dans un petit placard, d'environ cinq mètres carré, aux murs alambiqués repeints en blanc. Une sorte de grosse boite dans laquelle le visiteur observera, par une ouverture pratiquée dans la porte, toutes sortes de photos de l’artiste, de Peter Ibsen ou d’Annette Messager mais également des dessins et des objets de l'artiste disposés dans une vitrine. Une sorte d’inventaire, fictionnel, d’un ethnologue des « petites » vies.
Pour Mémoire résume assez bien les questions que Boltanski a pu se poser sur la mémoire, l’oubli et la mort. Anne Cadenet, évoquant la genèse de ce projet, explique : « Nous avions gardé une boite, dans laquelle nous avions conservé tous les objets d’une précédente exposition. Avec l’idée de nous dire qu’il s’agissait des réserves du musée Boltanski ». Une collection de souvenirs de l’enfance de Boltanski, réels ou fictifs.
Pour Mémoire démontre également que chaque individu est riche de sa propre histoire. Il a cette formule radicale : "Notre vie se résume au petit tiret qu’il y a entre deux dates, l’année de notre naissance et celle de notre mort."
D'autre part rappelle Anne Cadenet « Cette œuvre pose, d’un point de vue de la conservation, quelques problèmes » dans la mesure où Boltanski s’est opposé à toute forme de restauration. Pour Mémoire, observable par une petite lucarne située dans la porte, laisse entrevoir des débris de verre sur la vitrine, des photos tombées du mur... Le spectateur assiste à une forme de disparition de la forme esthétique imaginée il y a dix-sept ans, un jeu qui rappelle une autre œuvre de Boltanski, exposée au CAPC (jusqu'à fin septembre 2022) : Inventaire des objets ayant appartenu à la jeune fille de Bordeaux .
Cette œuvre questionne les trois missions fondamentales du musée : la mission patrimoniale, la mission de conservation matérielle des objets et la mission de conservation de l’intention de l’artiste. L’intention de l’artiste était de faire en sorte que cette idée de l’oubli et de la disparition passe aussi par une disparition matérielle.
« Nous documentons les paramètres de sa disparition. Tous les ans on a un schéma qui nous permet de prendre en compte l’évolution de la pièce, avec en particulier un effacement annoncé des photographies ». Anne croit savoir qu’il s’en amuserait dans la mesure où bientôt on n’aura sûrement du mal à parler de certains objets dans une vision esthétique globale. Dans un contexte actuel où tout disparait sans que cela ne laisse de trace, la démarche interroge. C'est au CAPC, rappelle Anne, de trouver une stratégie de documentation pour que le public ait une connaissance de ce qu’est l’œuvre, d’où elle vient. On s’arrêtera donc rêveur devant cette œuvre touchante engagée dans un irrémédiable et visible processus d’effacement.
En savoir plus sur l'œuvre "En mémoire"
CAPC musée d'art contemporain de Bordeaux
7, rue Ferrère, 33000 Bordeaux, France
Tél. +33 (0)5 56 00 81 5
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