Renaud a troqué la petite île de la Réunion pour réveiller le port de La Lune. Membre du directoire, le challenge de rendre ses lettres de noblesse à ce quartier maritime en difficulté n'a pas effrayé ce directeur financier. Bien au contraire.
L'histoire que nous raconte Renaud est celle du deuxième plus grand port d'Europe au XVIIe siècle. Un quartier de dockers qui, jusqu'à la fin des années 70 réceptionnait l'essentiel des marchandises. À partir du choc pétrolier, les bassins à flot ont sombré dans l'oubli, ses mécanismes centenaires laissés à l'abandon. Et le changement depuis est colossal.
Une nouvelle vague déferle aujourd'hui sur le quartier. "Une vague apaisante et culturelle" selon Renaud. Les activités navales ont repris. Les habitants et chalands assistent au montage des bateaux grâce à un des rares slipway de la région, nous confie Renaud. On y observe les grues d'antan et l'ouverture des écluses selon la marée. "Un cross est organisé au cœur du quartier, mettant en lumière les activités du port et ce dernier accueillera bientôt un port center, centre d'animation ouvert au public".
Ce que préfère Renaud ? Regarder le lever et coucher du soleil qui se reflètent sur les bassins à flot.
Son regret ? Que les mécanismes d'antan ne soient plus visibles du public.
Mathieu, Julien et leur équipe portent la simplicité en bandoulière. Et pourtant depuis 20 ans maintenant, leur garage change la vie de milliers de personnes (5000 adhérents en 2022). Ils nous racontent comment, en 2003 une drôle d'équipe s'est appropriée le dernier bastion des bâtiments industriels "structure bois", dans un secteur industriel laissé à l'abandon, un quartier anciennement ouvrier.
"Le maillage associatif y est fort". L'amicale laïque a d'ailleurs plus de 100 ans, confie Julien. Ici on fabrique des objets, on répare des voitures, des vélos, mais on fabrique aussi du lien social explique-t-il. Au moyen d'une adhésion allant de 3€ à 51€ par an, on accède aux ateliers pour apprendre à (ou faire) entretenir, réparer son moyen de locomotion. On participe également aux moult événements culturels qu'organisent ces 2400m2 de bienveillance.
Les Bassins à flot étaient grosso modo une friche industrielle étonnamment bien située entre le prolongement du centre - les Chartrons - et le quartier d'échoppes à Bacalan explique Julien. Un lieu de liberté où transformer un immense bâtiment industriel en lieu de vie était possible. Dans un secteur où la population a pris plus de 10 000 habitants en quelques années et où cohabitent tout type de population, l'enjeu aujourd'hui est, selon lui, de créer un esprit de quartier et des espaces de vie communs. Défi que relève avec brio ce garage pluridisciplinaire.
Ce que préfère Julien aux Bassins à Flot ? Cette ambiance portuaire où subsiste la liberté de faire, de bricoler et la spontanéité. Une denrée qui a tendance à disparaître aujourd'hui.
Les Jouanny, famille bordelaise, ont troqué leur appartement à Mériadeck pour une maison sur l'eau il y a 8 ans. A cette époque, il fallait avoir un peu d'imagination pour se figurer ce à quoi le quartier ressemblerait, confie Laurence. Tout droit venue de Picardie, la péniche qu'ils ne cessent de rénover cache un drôle de trésor : d'insolites suites dont le décor nous embarque dans un véritable voyage temporel flottant.
1900, Art Déco, Sweet Sixties ou encore expédition autour du monde, chacune son époque. A écouter Laurence, on comprend vite que dans la famille, ils chinent plus vite que leur ombre. Tout comme les dizaines autres péniches sur place, le péniche hôtel la Petite Annick fait partie des précurseurs qui ouvrent la voie (et essuie les plâtres) du port de Plaisance.
"C'est un nouveau quartier. Les habitants pénichistes viennent de tous les horizons, il en est de même pour l’ensemble de la population qui est venue s’installer dans ce nouveau quartier et son très large choix d’habitats". Postée aux premières loges pour observer le spectacle d'un quartier qui se réveille, Laurence évoque les modernes architectures qui encerclent aujourd'hui les bassins à flot, les commerces qui ouvrent les uns après les autres le long de la promenade ensoleillée. Mais aussi l'UGC dont le rôle de créer des synergies autour de la vie de quartier est attendu. Et l'iBoat, l'incontournable, un des pionniers de la vie du quartier.
Ce qu'elle préfère aux Bassins à flot ? La sérénité et la plénitude sur l'eau qui se ressentent notamment aux beaux jours.
Elle regrette ? Le manque d'espace vert, le monochrome très minéral du quartier et un troquet pour fédérer la vie de quartier.
Il est l'un des trois mousquetaires de la communauté d'entraide Wanted sur Facebook (1 million de membres dont 170 000 à Bordeaux) et des Wanted Cafés (cafés restaurants solidaires). Nouvelle aux Bassins à flot, l'équipe investit aujourd'hui les espaces sous le parking Indigo.
"Nous construisons RADO, un espace hybride qui se veut lieu de vie pour les riverains, les associations, les acteurs économiques de Bordeaux Maritimes". Cela fait plusieurs années qu'ils travaillent sur ce quartier.
Et ce n'est pas un hasard. Jérémie nous explique que les questions du lien social et de la vie de quartier y sont centrales sur un territoire alliant les habitants historiques de Bacalan et les nouveaux venus depuis la sortie de terre du nouveau quartier des Bassins à flot. On y met un bar, de la restauration, de la cuisine d'insertion, une programmation culturelle et festive, un parcours de retour à l'emploi précise-t-il.
"Je me souviens d'une atmosphère de friche portuaire et industrielle, investie par des artistes inspirés par cette ambiance à part". Jérémie évoque un quartier underground et prometteur. S'il regrette que ce terreau n'ait pas été vraiment utilisé pour le projet urbain qui se développe depuis quelques années, il précise qu'il n'est pas trop tard pour créer du lien entre ces 2 époques, ces 2 énergies.
Aujourd'hui, des touristes croisent des artisans sur des chantiers navals. Des étudiants côtoient des riverains qui vivent sur des bateaux depuis 30 ans. Et les chaînes de restauration sont installées à côté d'acteurs culturels. Tout ça dans une atmosphère aussi paradoxale que prometteuse. Il rappelle que l'enjeu est de bâtir des ponts entre ces différents publics et proposer des espaces, des programmations culturelles, des projets à impact sociaux et environnementaux. Et c'est d'ailleurs pour cela que Rado existe et espère apporter sa pierre à l'édifice.
Ce qu'il préfère aux Bassins à Flot ? L'énergie unique apportée à la fois par ce paysage portuaire, la lumière sur l'eau, et la mixité de générations et de publics.
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