Quand on parle de bain de forêt, nombreux sont ceux qui s'imaginent vêtus d'un simple maillot de bain, au milieu des bois, en proie aux tiques. Pour d'autres, il s'agit d'enlacer des arbres... et pourtant, « il existe plein d'autres moyens pour entrer en connexion avec la forêt » assure Pascale d'Erm, guide certifiée en bain de forêt. À ceux qui seraient sceptiques ou auraient le cerveau fertile en imaginaire, mieux vaut une démonstration. En route pour notre premier bain de forêt.
Avant d'entrer dans cette partie de forêt, sur le domaine naturel d'Hostens, la guide forme des binômes au hasard. Premier défi : s'échanger mutuellement un bon souvenir vécu avec un arbre. « C'est celui dans lequel je montais enfant ! » s'enthousiaste Anne-Sophie.
Les langues se délient, à mesure que l'orée du bois se rapproche, on se souvient de cabanes perchées, d'un nid découvert au creux d'une branche ou d'un somptueux parasol végétal pour faire la sieste les après-midis d'été, bercés par l'odeur du tilleul. La balade a à peine commencé qu'on se souvient combien les arbres sont et ont toujours été parmi nous, un petit bonheur mêlé de gratitude.
Les duos sont parés pour la suite de l'immersion. En fermant les yeux, on se laisse guider par l'autre du bout d'une branche. On se concentre à écouter le son des chaussures sur le sentier, à reconnaître les zones d'aiguilles de pin qui crissent différemment sous les pieds que les feuilles de châtaignier.
Le soleil, qui perce entre les arbres, vient chatouiller et éblouir le visage, malgré les yeux fermés. Une fois arrivée, c'est à mon tour de guider ma camarade. Anticiper les pas de l'autre, le préserver des ornières et des racines proéminentes... à chaque bout de la branche, mi concentré-mi amusé, on apprend à s'en remettre à l'autre.
Le jeu suivant donne à l'équipe une allure lunaire : à nous de marcher le plus leeeeeeeenteeeeeemeeeeent possible, le talon, le plat puis la pointe du pied se posent au sol au ralenti. On décompose, on observe, à force de ralentir on danse presque avec la gravité. Les jeux s'enchaînent et tout le monde, petits et grands, joue, le sourire aux lèvres.
Cela fait quarante ans que les Japonais ont compris les bienfaits du bain de forêt, ou Shirin-yoku. Encouragés par les autorités sanitaires, depuis une vague de suicide parmi la population dans les années 80, les bains de forêt sont aujourd'hui devenu un art de vivre sur l'île nippone et un élément privilégié des soins de santé.
« L'agence des forêts avait montré que le sang des personnes qui avaient marché en forêt contenait un taux de cortisol, l'hormone du stress, beaucoup plus bas que quelqu'un qui aurait couvert la même distance en ville. » glisse Pascale d'Erm. Également journaliste, spécialiste de l'environnement, elle a écrit Natura, pourquoi la nature nous soigne et nous rend plus heureux (éditions Les Liens qui Libèrent, 2019).
Pour obtenir la certification, le domaine naturel d'Hostens a lui même fait l'objet d'analyses : « A Hostens, nous avons menés des examens médicaux, auprès d'un groupe de quinze adultes. Après les « bains », la pression artérielle diminuait, le pouls se régulait et l'anxiété ou la colère diminuaient » ajoute la guide certifiée. À travers la planète, 450 études scientifiques, menées dans le monde entier, ont démontré les bénéfices physiologique, émotionnel et cognitif des bains de forêt sur la santé.
La balade se poursuit, sans chaussures. « La voute plantaire est dotée de milliers de terminaisons nerveuses, marcher pieds nus détend, relance la circulation sanguine, fait ralentir, rend attentifs » les aiguilles de pins sont finalement moins redoutables mais la petite branche de genêt tombée au sol, elle, restera mémorable.
Petit bout de bois, joli caillou, on en croise des choses sous sa voute plantaire. Pas étonnant que les bains de forêt plaisent aussi aux enfants. « Les bains de forêt agissent sur le syndrome d'hyper activité, la confiance en soi, l'agilité, les écoles forestières le montrer aussi » indique Elsa Margaux Delpech. Chargée de mission nature et santé au département de la Gironde, elle a soutenu l'initiative, faisant d'Hostens, le premier site français officiellement dédié aux bains de forêt.
Si la labellisation du domaine naturel d'Hostens est toute récente, le soin par les arbres n'est pas si nouveau dans le sud-ouest. « Au début du 20e siècle, dans les Landes, la sylvothérapie était intégrée aux cures de balnéothérapie. Les malades tuberculeux passaient un séjour dans des lieux boisés appelés sanatorium, il y en avait plus de 250 recensés entre 1900 et 1950 » explique Elsa Margaux Delpech.
En évoluant parmi les chemins, le temps s'est envolé et personne n'a jeté un œil sur son portable depuis un moment. La déconnexion est à l'œuvre et le bain continue. Pas besoin d'avoir une forme olympique ou de grandes jambes, chacun avance à son rythme. Après avoir ramassé un petit morceau de forêt et admiré les trouvailles des autres, ici une petite fleur jaune au parfum de coco tombée d'un genêt, là un bout de bois rigolo ou encore une petite plume douce, nous rendons nos trésors à la nature.
La forêt de séquoias géants sera notre dernier terrain de jeux entre partie de cache-cache et jeux de mémoire avant de partager une tasse de thé de ronce, très légèrement parfumé... qui a dit que la forêt ne nous réserve pas encore d'autres surprises ?
Bains de forêt gratuits et ouverts à tous. Pensez à vous inscrire au préalable au 05 56 82 71 79 ou sur le site du département de la Gironde.